Solidarité & reprise du contrôle de Mc Do : I'm loving it !
Hier matin, j’ai mis des légumes dans des sacs plastiques et participé à une distribution alimentaire qui a bénéficié à plus de 700 familles dans les quartiers Nord de Marseille. Une chronique ordinaire (et rageante !) de la France des inégalités vous allez me dire, dans laquelle la richesse des milliardaires bondit de 30% en un an pendant que la barre des 10 millions de pauvres est franchie.
A ceci près, que cette distribution alimentaire avait lieu entre le guichet des Big Mac et le drive, à l’Après M : un ancien Mac Do repris par ses salariés et transformé en un lieu de solidarité. Vous avez sans doute entendu parler de la formidable bataille menée par ces « équipiers Mac do » contre le géant de la malbouffe. Un combat à l’origine pour leurs droits sociaux face à une boîte dont le modèle repose notamment sur des contrats de travail précaires et facilement exploitables (c’est vrai quand vous avez un contrat étudiant, pourquoi demander un 13ème mois après tout ?), ainsi qu’une petite pincée d’évasion fiscale bien sûr (plus de 700 millions d’euros évadés vers le Luxembourg en à peine 4 ans). Mais il ne se sont pas arrêtés en si bon chemin. Quand Mac do a voulu se débarrasser de ce restaurant, las des revendications sociales (et leur contagiosité aux autres Mac do, il ne faudrait quand même pas que tous les salariés commencent à revendiquer des droits !), les salariés ont repris le contrôle de leur lieu de travail.
Et ont organisé la solidarité. Pendant le 1er confinement, jusqu’à 1 500 familles sont venues ici se ravitailler à chaque distribution. Et retrouver aussi un coin d’humanité dans des quartiers où l’Etat a déserté. En plein confinement, c’était un des derniers remparts face à la misère sociale. La solidarité vient même taper à la porte : à l’après M, les bénévoles apportent directement des colis alimentaires aux personnes qui ne peuvent pas se déplacer. Et comme ils ont pris l’habitude de détourner toutes les grandes marques américaines, ici on appelle ça le « Uber solidaire ».
Kamel, ancien salarié et très impliqué dans le projet, compte bien achever la transformation de ce Mac Do en un restaurant solidaire, au prix variable en fonction des moyens et à l’approvisionnement local et biologique. Parce qu’il n’y a pas de raison que la nourriture de qualité soit réservée à ceux qui en ont les moyens. Parce que nous ne sommes pas tous égaux face aux régimes alimentaires. Et parce que quand 8 millions de personnes dépendent de l’aide alimentaire, l’insécurité alimentaire doit devenir un vrai sujet de débat et une priorité politique.
Voilà ce que dessine l’Après M : une reprise de contrôle sur les multinationales, une société de l’entraide et de la solidarité et la lutte contre l’insécurité alimentaire. Et ça, que ça plaise ou non à Mac Do, « I’m loving it » ! (= leur slogan : « c’est tout ce que j’aime ! »)