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Pandora Papers, l'énième scandale fiscal : enrayons la machine infernale de l’évasion fiscale !

Billet d'humeur 9 octobre 2021

Ces dirigeants politiques sont-ils devenus fous ? Loin de là. L’autre enseignement des Pandora Papers, c’est que les tricheurs fiscaux sont les mêmes que ceux qui prétendent combattre l’évasion fiscale. Autant vous dire que c’est comme si on demandait à un bourreau d’arrêter de donner des coups. Le nombre de responsables politiques épinglés dans ce scandale en témoigne.

Cela fait dix ans que je me bats contre l’évasion fiscale et je ne compte plus les scandales que j’ai suivis : Pandora Papers, Panama Papers, Paradise Papers, LuxLeaks, Swissleaks, Bahamas Leaks, Malta files, OpenLux, LuxLetters … Cette liste est sans fin et pourtant, chaque nouveau scandale me donne la même rage. Le scénario est toujours le même : une poignée de privilégiés nous volent, sous nos yeux, quand le reste de l’humanité crève la dalle. Une poignée de privilégiés nous privent d'hôpitaux, d’aides sociales, de salaires décents. Une poignée de privilégiés nous condamnent au dérèglement climatique. Une poignée de privilégiés participent à un système qui finance les pires trafics et les pires criminels. 


Mais je me sens bien seule avec ma rage dans le petit monde politique actuel. Les réactions sont toujours plus déconnectées de l’ampleur du cambriolage, quand elles ne sont tout simplement pas le fait d’opportunistes qui font semblant de s’indigner pendant quelques secondes alors qu’ils n’ont jamais rien fait sur le sujet. Nous serions nous habitués à ce que l’évasion fiscale soit un bruit de fond, un intangible de notre système économique avec lequel il faudrait composer ? Je refuse de m’y résigner. Je m’indigne avec la même force des milliards volés aux Etats que de la faiblesse de la réaction politique. En la matière, il faut décerner une palme à l’Union européenne, qui a trouvé moyen en plein scandale de retirer (oui vous avez bien lu) trois pays de sa liste déjà quasi-vide des paradis fiscaux, dont les Seychelles, pourtant au coeur des Pandora Papers !


Ces dirigeants politiques sont-ils devenus fous ? Loin de là. L’autre enseignement des Pandora Papers, c’est que les tricheurs fiscaux sont les mêmes que ceux qui prétendent combattre l’évasion fiscale. Autant vous dire que c’est comme si on demandait à un bourreau d’arrêter de donner des coups. Le nombre de responsables politiques épinglés dans ce scandale en témoigne. Il y a des chefs d’Etats (35 quand même !), des premiers ministres, des élus. Parmi eux, on retrouve les habituels complaisants voire organisateurs de l’évasion fiscale : 

  • le ministre des finances des Pays-Bas, grand allié de Macron, qui donne des leçons d’austérité à tout l’Europe et summum du conflit d’intérêt participe à l’élaboration de la liste de paradis fiscaux… tout en investissant lui-même dans les paradis fiscaux : pas étonnant que cette liste soit quasi-vide 
  • un ancien élu du Rassemblement national et le ministre de l’économie de Bolsonaro  : l’extrême droite qui protège les puissants tout en prétendant défendre les pauvres

  • Tony Blair et DSK : les socio-démocrates qui ont détruit la gauche en reprenant les discours de “sérieux” budgétaire tout en refusant de payer leurs impôts

  • un élu LREM : bon élève de son président des riches et de la triche fiscale

J’ai dors et déjà demandé cette semaine au nom de mon groupe de la gauche au parlement européen qu’une commission d’enquête soit établie. Silence radio des autres groupes : vont-ils continuer de couvrir ceux qui sont complices de l'évasion fiscale de masse ?


L’évasion fiscale est bien sûr rendue possible par la constellation d’intermédiaires financiers, de cabinets d’avocats et de banquiers qui font tourner la machine. Mais la présence de politiques parmi la liste des tricheurs nous indique que ce système n’est pas seulement industriel : il s’est institutionnalisé. Des Etats entiers ont mis leurs institutions au service de l’évasion fiscale. Et leur personnel politique en sont les VRP. Ce sont eux qui permettent à des grandes fortunes, à de riches industriels et des grands patrons de planquer leur pognon en toute impunité. Quand Macron s’oppose à la transparence fiscale au niveau européen, quand les dirigeants des paradis fiscaux européens bloquent toutes les mesures d’harmonisation fiscale, quand l’extrême-droite veut toujours plus baisser l’impôt des plus riches et déréguler la finance, ils préservent les intérêts de ces fortunés. 


Des années de telles politiques ont fini par nous faire basculer dans une société de privilèges, où les uns s’enrichissent toujours plus sur le dos des autres. Car la fortune de ces privilégiés ne sort pas de nul part. Elle est le fruit de l’exploitation du travail d’autrui, des salaires de misère que les grands patrons fraudeurs ne cessent de comprimer. Elle est le fruit de l’exploitation tout aussi sauvage des ressources naturelles, que quelques-uns s’approprient et détruisent avec des conséquences catastrophiques pour toute l’humanité. Elle se transmet par l’héritage, par copinage, par alliance, comme autrefois on se transmettait un titre de noblesse. Pour enrayer cette mécanique, c’est tout notre système économique qu’il faut remettre à plat. L’évasion fiscale n’est pas une fatalité. Depuis 10 ans, à Oxfam puis au Parlement européen, je répète les mêmes solutions, qui attendent qu’une chose : de la volonté politique. Les évadés fiscaux sont comme les vampires, ils détestent la lumière. Plutôt que d’attendre les scandales les uns après les autres, il devient urgent d’imposer la transparence totale plutôt que de dépendre des lanceurs d’alerte. Ensuite il n’y aura pas de lutte contre l’évasion fiscale sans s’attaquer au 1er maillon de la chaîne : les paradis fiscaux. Il nous faut une véritable liste ;pas une carte blanche à l’évasion fiscale avec seulement 9 Etats (dont Guam et Palau, pas franchement les pays que l’on entend dans les scandales fiscaux) mais une véritable liste noire, y compris avec les pays européens comme l’Irlande ou le Luxembourg. Si l’Union européenne n’en est pas capable, nous devons le faire sans attendre au niveau français pour protéger nos recettes fiscales.Enfin, il faut s’assurer que ceux qui doivent payer des impôts en France, riches particuliers comme grandes entreprises, paient leur juste part d’impôt avec un impôt universel, payé quel que soit la résidence ou le montage financier. 


Voilà les propositions que nous continuerons à porter. Celles pour lesquelles je bataille depuis 10 ans. Une durée pendant laquelle j’en suis venue à une conclusion : les choses ne changeront pas tant qu’on ne leur reprendra pas directement le pouvoir. En France, c’est en 2022 que ça va se jouer. Alors on compte sur vous pour en finir avec cette société de privilèges !

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