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Sommet Choose France : Emmanuel Macron choisit la finance et enterre le devoir de vigilance

Tribune 27 mai 2025

Au sommet Choose France ce lundi, Emmanuel Macron a demandé la suppression totale du devoir de vigilance des multinationales, l’une des seules avancées écologique et sociale obtenue sous le précédent mandat européen. La mise en danger de ce texte, dénoncée par toutes les ONG et par un certain nombre d’entreprises, aurait des conséquences désastreuses pour l’ensemble de la société.

Malgré les catastrophes climatiques qui s’accumulent et le nombre croissant de drames humains directement imputables aux multinationales, faute d'instruments pour contrôler et sanctionner ces dernières, les dirigeants européens nourrissent une obsession grandissante pour la dérégulation. Au nom de la compétitivité, ils s’apprêtent à sacrifier le peu de garde-fous empêchant les plus grandes entreprises de saccager notre planète et d’exploiter les travailleurs. Serions-nous de retour dans les années Reagan et Thatcher ? 

Leur constat est on ne peut plus sommaire : les règles imposées aux entreprises européennes seraient trop complexes et nuiraient à leur productivité. Un discours emprunté aux lobbies, révélateur d’une vision court-termiste et dangereuse, mais qui se concrétise dans le nouveau chantier de “simplification” de la Commission européenne - le fameux paquet omnibus - et par les nombreuses prises de position de chefs d’Etat demandant le report, l’affaiblissement, ou la suppression des lois visant à encadrer les multinationales. Sans surprise, Emmanuel Macron les rejoint et choisit une fois de plus de défendre les grands patrons plutôt que ceux qu’ils exploitent. 

La directive sur le devoir de vigilance des multinationales (CSDDD), vise à rendre les entreprises responsables des violations des droits humains et dommages à l’environnement commis tout au long de leur chaîne de production. Elle serait une véritable brèche pour mettre fin à l’impunité des multinationales et permettrait par exemple de rendre Shein juridiquement responsable d'exploiter ses salariés 75 heures par semaine, Lactalis de polluer généreusement les cours d’eau en France, Nike d’avoir recours au travail forcé des Ouïghours… 

Ce texte pionnier venait combler un vide juridique : les profits remontent la chaîne de valeur jusqu’aux sièges de nos multinationales, mais pas la responsabilité pour l’exploitation meurtrière des travailleurs et de la nature. Pour la première fois, les victimes pourraient enfin avoir accès à la justice et les multinationales seraient empêchées de se cacher derrière leurs filiales ou sous-traitants. 

Mais depuis le début du travail sur ce texte, le gouvernement d’Emmanuel Macron a tout fait pour en affaiblir la portée. Devant les caméras, les porte-paroles assuraient le défendre. En coulisse, ils bataillaient déjà pour le vider de sa substance, portant les positions du MEDEF et réussissant à faire exclure le secteur financier de la directive.

Mais quand il s’agit de protéger les banques et les multinationales, Emmanuel Macron ne se contente pas du minimum. Quelques mois plus tard, il réclamait “une pause réglementaire” sur l’application du Green Deal européen, déjà très affaibli. Son ministre de l’économie Eric Lombard, demandait quant à lui le report “sine die” de la directive sur le devoir de vigilance. Une attaque crescendo, jusqu’à cette semaine, où le Président a demandé la suppression pure et simple de la directive, rejoignant ainsi la croisade menée par l’alliance de la droite et de l’extrême droite européenne contre le Green Deal. Voilà comment le sommet Choose France s’est transformé en Choose la Finance, en garantissant l’impunité des multinationales.

L’argument de la compétitivité utilisé pour s’attaquer à ce texte est fallacieux sur tous les plans. Premièrement, il ne concerne qu’une infime partie des entreprises car son champ d’application a déjà été considérablement restreint par la droite. Deuxièmement, réduire nos exigences environnementales ne nous rendra pas plus compétitifs, bien au contraire. L’Europe doit investir sur la qualité écologique et sociale de ses productions au lieu de casser ses normes car elle perdra toujours la course du dumping mondial. Elle doit avoir une stratégie cohérente et durable, et non pas remettre en cause des règles qui viennent d’être votées et que les entreprises se préparent depuis maintenant deux ans à mettre en oeuvre ! Les modifier ou les supprimer aujourd’hui ne ferait que les plonger dans plus de doute et d’instabilité. Plusieurs grands groupes européens se sont d’ailleurs prononcés contre le détricotage du devoir de vigilance.

Au moment même où Donald Trump et Elon Musk déstabilisent l’économie mondiale, le choix de suivre les États-Unis dans une folle course à la dérégulation est tout simplement inconscient. En demandant la suppression de cette directive déjà en danger, Emmanuel Macron encourage la Commission européenne à tirer un trait sur tous les efforts faits dans le domaine de la transition écologique et la protection des droits humains, et offre sur un plateau d’argent le rêve de l’extrême droite d’abandonner toute contrainte environnementale.

Il y a urgence à arrêter cette folle marche en avant de la dérégulation, au mépris des impératifs sociaux et environnementaux. Car à quoi bon disserter sur la “compétitivité” et la “simplification” sur une planète brûlée ?


Manon Aubry

Députée européenne La France Insoumise, Présidente du groupe de la gauche au parlement européen et négociatrice du texte sur le devoir de vigilance

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