Bilan de la présidence française de l’Union européenne : arrogance, impuissance et manigances
Six mois après le lancement de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, qu’en a-t-on retenu ? Difficile d’identifier une victoire ou une avancée mémorable. Et pour cause : si peu a été obtenu, si peu a été fait, quand les annonces présomptueuses ne sont pas tout simplement soldées en échecs cuisants. Finalement, le slogan choisi pour cette présidence française « Relance, puissance, appartenance », n’aura été qu’ arrogance, impuissance et manigances.
On ne va pas se dire surpris du piètre bilan de Macron à la tête du Conseil de l’Union européenne. Il était clair dès le départ que l’Union européenne intéressait bien moins Macron que sa propre réélection. Face aux critiques, les ouins ouins de la macronie ont envahi nos oreilles : ce n’est pas de notre faute, la présidence tombe en même temps que la campagne, on y est pour rien. Faux, ils auraient pu négocier un report pour cause d’élection, comme l’a fait l’Allemagne en 2006.
La présidence de la France, pourtant moment historique qui n’arrive que tous les 14 ans et qui nous donne une influence considérable sur l’Europe, n’était pour Macron qu’un vulgaire marche pied pour faire sa campagne présidentielle. Il cherchait une opportunité de gagner des points en se présentant comme le champion européen, voilà l’opportunité toute trouvée.
Sympa pour Macron, mais dommage pour l’Europe. Certains pays, par leur volontarisme à la présidence du conseil de l’Union européenne, ont réussi à débloquer des dossiers majeurs : le Portugal a permis un accord sur la loi climat européenne. L’Allemagne, un accord sur le plan de relance. La France ? Et bien, on cherche encore.
Quelques points ont néanmoins été obtenus, mais attention ! Pour comprendre, il faut traverser et s’extraire d’une épaisse jungle de communication gouvernementale qui présente Macron comme le grand sauveur suprême des européens. Qu’a-t-il obtenu concrètement ? Il a d’abord débloqué une directive sur la place des femmes dans les conseils d’administration. Un petit progrès (qui ne changera rien en France… donc fait à aucun frais), mais qui est surtout le fait de l’arrivée d’une nouvelle coalition au pouvoir en Allemagne. Il a révisé le texte sur la publication d’informations sur les impacts sociaux et environnementaux des boîtes. Sauf qu’il a refusé tout contrôle ou sanctions des entreprises qui ne respectent pas leurs obligations, donc le texte est peu applicable. Des avancées donc, mais à pas de fourmi.
Sur d’autres sujets, Macron fait carrément de l’intox. Sur les salaires minimums, alors là, ça serait la grande victoire de Macron, enfin la fin du dumping social ! Sauf que le “seuil de référence” retenu pour les salaires minimums au niveau européen est non contraignant et que les 60 % du salaire médian sont déjà en deçà par exemple du SMIC . Donc ça ne changera rien à la concurrence déloyale et pire, ce seuil donne un argument supplémentaire à Macron pour refuser d’augmenter le SMIC.
Sur le paquet climat, l’accord de dernière minute au Conseil se fait au prix de renoncements coupables : en retardant le calendrier de sortie des droits gratuits à polluer des multinationales, en prévoyant une taxe carbone sur les émissions des particuliers liées au logement et aux transports (les gilets jaunes, déjà oubliés?) et en réduisant fortement le financement du Fonds social pour le climat.
Macron n’a donc pas disrupté l’Europe sociale et écologique. Sa présidence peut se targuer de bien peu d’accomplissements, alors que les échecs sont nombreux. Un des plus spectaculaires : la révision du semestre européen, le cadre de contrôle budgétaire européen Depuis 2019, Macron prétend vouloir porter une réforme des règles austéritaires de l’Union européenne, les fameux 3 % de déficit et 60 % de dette. Macron ne s’est même pas emparé du dossier, de peur de susciter des conflits qui auraient abîmé son image de chef européen. Sur les énergies fossiles, même hypocrisie. La France a laissé se conclure un accord de révision du traité sur la Charte de l’énergie, le traité de l’assurance-vie des fossiles, alors que le Parlement demandait que l’Union européenne s’en retire complètement. Et cela alors que Macron voulait faire de sa présidence celle du climat, à grand renfort de communication sur la future taxe carbone aux frontières. La France aurait également dû se saisir de la question des prix de l’énergie pour entamer la réforme globale du marché européen de l’énergie qui a montré son échec total. Elle en est restée à des mots vagues et des promesses sans lendemain.
Et si seulement Macron se contentait d’être mauvais ! En plus, il fait des coups en douce contre des mesures de progrès. Par exemple, il a toujours refusé de soutenir la demande du Parlement européen sur la levée des brevets sur les vaccins et les équipements médicaux. Il s’est opposé à la fin des sponsors privés pour les présidences du Conseil de l’Union européenne. Pas étonnant quand sa propre présidence est sponsorisée par Stellantis (entreprise qui rassemble PSA Peugeot-Citroën et Fiat Chrysler) et Renault. Il n’a pas soutenu la création d’une autorité européenne d’éthique, alors que ses propres eurodéputés la défendaient il y a quelques mois. Sur la taxation minimale des entreprises pour lutter contre l’évasion fiscale, Macron a défendu en douce un taux au rabais, soit disant dans un esprit de compromis, mais qui n’a servi à rien car la Pologne et la Hongrie continuent de bloquer le texte. Le pire du cynisme se joue sûrement sur le dossier de la “taxonomie” européenne, la classification des “énergies vertes”. Il a bataillé en coulisses main dans la main avec l’extrême-droite de Orban pour labelliser le gaz et le nucléaire comme investissements “verts”. Champion de la Planète qu’on vous dit…
À force de vouloir toutes les casquettes, Macron n’en a porté aucune. Il n’a pas été un champion européen car il n’a pas obtenu d’avancées majeures. Il n’a pas été un fin diplomate car il a donné une piètre image de la France à l’internationale en instrumentalisant à ses fins le rôle de président du Conseil. Et il n’a pas été un candidat à la présidentielle car il s’est contenté de se la jouer en Europe, sans présenter de projet aux Français qui l’ont élu uniquement pour s’opposer à l’extrême droite. C’est donc une présidence pour rien, ou pour pas grand chose. Dont le seul mérite est d’exposer la farce européenne qu’est Macron : au fond, le devenir des peuples européens l’intéresse bien peu et surtout, moins que son agenda personnel national. Le dernier marqueur de cette Présidence la symbolise finalement parfaitement : à rebours de tous les grands discours sur “il faut sauver la Planète, réguler la mondialisation, et relocaliser nos activités”, Macron conclut son mandat européen par la signature d’un accord de libre-échange avec la Nouvelle Zélande. Voilà le crédit qu’il faut donner à sa parole.