Chère Natalia...
Chère Natalia,
Ce matin j’ai reçu ton message...
“Salut ! Je pense qu'on peut commencer à parler demande d’asile en France dans deux ans.”
Tu m’a écris ce matin car dans ton pays, la Pologne, l’extrême-droite a gagné l’élection présidentielle hier avec 50,89% des voix.
Karol Nawrocki, votre nouveau président, tu m’en avais parlé je me souviens. Un nationaliste, ancien holligan proche de la pègre, masculiniste et fan de Donald Trump.
Evidemment, toi comme moi nous savons qu’il sera un ennemi acharné du droit à l’avortement.
Natalia, je sais que derrière ton smiley rieur il y a de l’angoisse. Moi aussi j’ai peur parfois.
Lorsque je suis venue te voir en Pologne pour t’apporter des pilules abortives, j’ai vu de mes yeux ce que les militantes comme toi subissent chaque jour pour le simple fait de défendre notre droit à disposer de notre corps et à vivre.
Car oui, trop souvent, l’impossibilité d’accès à l’avortement mène à la mort de femmes.
Tu m’avais raconté l’histoire de cette jeune femme, Dorota Lalik, morte à 33 ans car les médecins ont refusé de pratiquer une interruption de grossesse qui aurait pu la sauver.
Ils ont préféré lentement laisser mourir le fœtus, causant aussi la mort par septicémie de Dorota.
Depuis 2020, elles sont au moins 6 femmes à avoir connu le même sort tragique que Dorota.
À Varsovie, j’ai vu les menaces quotidiennes qui vous ciblent et les dégradations que subit sans cesse le centre d’avortement que vous avez eu le courage d’ouvrir.
J’ai vu des camions défilant dans les rues, affichant d’immenses photos de foetus ensanglantés et hurlant par d’immenses haut-parleurs que l’avortement est un meurtre.
J’ai vu aussi vos visages placardés dans les rues vous accusant d’être des meurtrières.
Natalia,
Je sais que tu as peur pour le centre d’avortement que vous avez ouvert avec votre association Abotak, bravant l’interdit pour permettre à des dizaines de milliers de femmes d’avorter en toute sécurité.
Je sais que tu songes à le fermer devant le poids des menaces et des attaques. Que ton acolyte justyna risque de la prison pour avoir aidé une femme à avorter.
Je sais aussi l’incroyable courage que vous avez toutes les deux et les militantes féministes polonaises et je veux vous dire que quoi qu’il arrive nous serons là et nous nous battrons à vos côtés.
Je me souviens de cette conversation que nous avons eue, lorsque tu me rappelais qu’il y a 50 ans les Françaises allaient en Pologne pour se faire avorter car c’était interdit chez nous.
Maintenant les Polonaises viennent en France pour la même raison.
Cette solidarité internationale, contre les fascistes qui veulent contrôler nos corps, je veux continuer à la faire vivre !
Natalia, je reviendrai bientôt en Pologne comme nous l’avons fait à l’initiative de Mathilde Panot. Je ne serai pas seule, nous serons nombreux à venir avec des collègues députés de mon groupe de toute l'Europe et nous apporterons de nouveau des pilules qui pourront sauver la vie de nombreuses Polonaises. Sache qu’au Parlement européen, et au-delà, nous continuerons à mener le combat pour garantir à toutes les femmes du continent le droit de disposer de leur corps et de vivre. Et inscrire l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Nos corps n’appartiennent ni aux hommes, ni à l’Eglise, ni à l’Etat.
Mais on ne peut pas être libres sans combattre. L’extrême droite s'organise à l’échelle internationale et prend le pouvoir partout.
Nous aussi, nous nous organisons. À la fin, ça sera eux contre nous. Mais, Natalia, nous le savons, nous sommes plus fortes et plus nombreuses !
Chère Natalia,
Sache que tu ne seras jamais seule face à l’obscurité. Nous l’affrontons à plusieurs.
De Paris à Varsovie, nos vies et notre liberté se gagnent ensemble.
Nous nous reverrons bientôt, dans un monde défait de ceux qui préfèrent nous voir mortes plutôt que libres.
Avec toute mon amitié féministe,
Manon.