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Dis maman, pourquoi tous les bateaux s'appellent Valletta, GeorgeTown ou Jersey ?

Billet d'humeur 25 août 2021

L’enfant que j’étais qui s’interrogeait sur ces noms de bateaux a grandi. Et avec moi la colère contre le séparatisme de ces ultra-riches, réhabilitant la société de privilèges digne de l’Ancien Régime, où les milliardaires ont remplacé les nobles d’antan. Alors cet été, j’ai fait le tour du port de Bonifacio avec un petit message : taxez (enfin !) les riches !

Cet été, comme tous les étés depuis mon enfance, j’ai arpenté le port de Bonifacio, mon berceau familial. C’est la tradition que j’ai gardée de mon grand-père, fervent représentant des Marinacciu (les habitants de la marine) : on se promène autour du port, sirote un café ou une myrte, refait le monde autour d’une partie de boules. Et puis depuis quelques années, on observe les yachts, toujours de plus en plus nombreux de saison en saison. « Dis maman, pourquoi tous les bateaux s’appellent Valletta, GeorgeTown ou Jersey ? » : cette question d’une petite fille à sa mère entendue sur le port, combien de fois me la suis-je posée enfant. Et là peut-être, est née une vocation. Alors cette année, j’ai décidé d’y retourner avec un petit message.


Tout au sud de la Corse, ce qui était un petit port de pêche tranquille est devenu « the place to be » pour tous les yachts de la Méditerranée, transformant mon petit village familial en un haut lieu branché deux mois par an (mais heureusement nous avons su conservé quelques secrets bien gardés du tourisme 😉). Alors, les petites barques de mes cousins pêcheurs ont peu à peu laissé place à ces immenses immeubles flottants, dégoulinant de luxe avec leur équipage aux petits soins. Astiquant le moindre centimètre des bateaux, et arrosant des heures durant leur bijou alors que Bonifacio manque cruellement d’eau (il faut voir ma mère tenter de les engueuler et leur expliquer que Bonifacio est en pleine sécheresse).


Mais Valletta, GeorgeTown ou Jersey n’est pas leur nom, mais leur pavillon. Leur point commun ? Ils sont tous des paradis fiscaux ! C’est comme ça qu’on apprend la géographie à Bonifacio. J’ai vite su que Valletta était la capitale de Malte, GeorgeTown des îles Caïmans. Reconnu le drapeau de Jersey ou du Luxembourg (peu importe qu’ils aient un accès à la mer d’ailleurs, pourvu qu’ils offrent des facilités fiscales). Et chaque année, un petit concours s’installe sur le port de Bonifacio : quel paradis fiscal l’emporte ? Car oui, vous aurez bien du mal à trouver le moindre yacht battant pavillon français. Ce sont tous ce qu’on appelle des bateaux de complaisance. Comprendre, des navires qui battent pavillon d’un pays autre que le pays de propriété réelle. Et c’est la norme. Plus d’une cinquantaine de ces bateaux luxueux font chaque jour étape au petit port de Bonifacio. Et depuis quelques années, c’est Valletta qui l’emporte haut la main. 


Les facilités fiscales pour les yatchs, c’est en effet la grande spécialité de Malte. Des taux d’imposition proches du néant, une opacité garantie : c’est le paradis pour les milliardaires. Bernard Arnault, Xavier Niel ou Julien Clerc ne s’y sont pas trompés et y ont tous domicilié leur yacht. Malte, ce paradis fiscal au cœur de l’Union européenne. Et pour combien de précieux milliards perdus pour les caisses des autres Etats ? Combien de salaires de profs ou d’infirmiers ? Combien d’hôpitaux ou d’école ? Mon combat depuis deux ans au parlement européen pour que l’UE s’attaque enfin aux paradis fiscaux en son sein prend ici tout son sens. Quand j’ai brandi le drapeau de Malte ou du Luxembourg dans l’hémicycle du parlement européen pour dénoncer leur rôle joué dans l’évasion fiscale, c’est avec l’image de ces yachts en tête.  


Et croyez-moi qu’ils auraient les moyens de payer leur juste part d’impôts. Une semaine sur ce bateau « H », c’est l’équivalent d’une vie entière de salaires au SMIC. Je ne vous parle même pas de l’achat. Plusieurs dizaines de vies de SMIC. Rien qu’un plein d’essence, l’équivalent d’une année entière de labeur. Plutôt que de faire payer la crise aux plus pauvres, il y a un petit nombre de bateaux de luxe dans les paradis fiscaux à taxer. Il suffit juste de volonté politique.


L’enfant que j’étais qui s’interrogeait sur ces noms de bateaux a grandi. Et avec moi la colère contre le séparatisme de ces ultra-riches, réhabilitant la société de privilèges digne de l’Ancien Régime, où les milliardaires ont remplacé les nobles d’antan. Alors cet été, j’ai fait le tour du port de Bonifacio avec un petit message : taxez (enfin !) les riches !

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