Fin des repas à 1 € pour les jeunes, cadeaux fiscaux pour les riches
L’information est tombée. C’est la fin des repas à 1€ pour tous les étudiants dans les CROUS à la rentrée.
Pour ce gouvernement chaque centime économisé, c’est un pas de plus pour pouvoir faire un cadeau à d’autres, et vous l’avez compris, à ces riches fortunes françaises qui ont leurs bobines dans le classement Challenges. Les repas au CROUS à 1€, c’est de l’ordre d’une dizaine de millions de repas. En gros 30 millions d’euros de coûts pour l’État. 100 fois moins que les 3 milliards de cadeaux faits en supprimant l’ISF. Des milliers de fois moins que la fortune de Bernard Arnault.
Et pendant qu’ils demandent à nos jeunes, ceux qui n’ont pas de bourses, mais qui devront travailler pour manger, de retourner au charbon pendant leurs études. Eux, là-haut, jouent au molki avec le baccalauréat. Et bim, plus d’histoire en terminale S, et boum plus d’épreuves finales, et paf un grand oral sans égalité sociale. À la fin que reste-t-il de cette épreuve, qui bien que remplie de défauts, n’en restait pas moins une étape qui remettait normalement à égalité tout le monde devant l’accès à l’enseignement supérieur ? Rien. Rien de tout ça en tout cas.
Ce qu’il en reste, c’est un bac à plusieurs vitesses, en fonction du lycée, en fonction des rapports entretenus avec les professeurs (qui sont elles et eux aussi soumis à des pressions hiérarchiques, sociales, économiques et politiques de toutes parts), en fonction du quartier d’habitation, de la carte scolaire, de l’accent qui finit nos phrases, de notre nom de famille, et bien d’autres facteurs. Ils ont individualisé le bac. Fini l’universalité du diplôme, et l’égalité sociale qui aurait dû en découler. Maintenant c’est chacun pour sa peau, dans la classe comme en dehors, et à la fin de l’année, celui ou celle qui aura tenu la distance, la compétition, la concurrence, le challenge, aura gagné sa place pour la suite. Voilà leur éducation libérale : celle du tous contre tous.
Et la compétition ne s’arrête pas là. Pour celles et ceux qui obtiendront ce bac, la sélection continue, sans fin : ParcourSup, Masters, Doctorats… Sans fin on vous dit ! Jusqu’à la retraite vous serez en compétition avec vos voisins de classe, de promo, de boulot… Ils sauveront la société de compétition coûte que coûte. Entendez le discours de la ministre : le sacro-saint ParcourSup ne doit jamais être critiqué ! Les jeunes s’y sont essayés : CRS et lacrymo. Épuisant combat pour l’égalité face à l’Université et aux études supérieures, les jeunes ont fini pour la plupart sur les rotules, beaucoup en dépression pendant la crise sanitaire et sociale, où certains tenteront de se suicider, et des drames ont eu lieu.
Quand la ministre de l’enseignement supérieur faisait la chasse aux islamo-gauchistes dans les universités, elle n’a pas en revanche pas eu de réaction quand un étudiant s’immole devant un CROUS à Lyon avant la crise, un autre se suicide à Nanterre dans sa chambre universitaire ou encore quand les files d’étudiants s’allongent devant les soupes populaires. Rien. Pas un mot. . Alors que c’est dans ces moments-là que l’Etat devrait jouer son rôle : réagir à l’urgence mais aussi adapter ses politiques publiques pour anticiper, planifier et organiser.
Mais ici aucune évolution, pire c’est régression à tous les étages de la machinerie ministérielle. ParcourSup est devenu la coqueluche de Twitter tous les ans avec ses centaines de milliers de témoignages de lycéens sans orientation, à quelques semaines du bac. Pas les meilleures conditions pour réviser que de ne pas savoir si l’année prochaine on aura sa classe préparatoire, sa place à l’Université, dans un BTS, ou rien.
Et tout cela se fait sans consultations, sans démocratie universitaire sans cesse bafouée par des réformes qui diminuent progressivement le poids de la grande famille universitaire (étudiants, salariés et enseignants) au profit des entreprises. Du fameux “secteur privé”, qui obtient au fil des réformes de plus en plus de places dans les conseils d’administration des Universités. Et avec ces places, ils obtiennent aussi toutes les clefs pour réorienter l’ensemble du corps universitaire vers des objectifs comptables : il faut être à l’équilibre, il faut former de futurs travailleurs de leurs secteurs, il faut, il faut, il faut. On ne leur demande rien d’autre, juste d’être l’aiguilleur de notre jeunesse, qui se fait déposséder de son avenir au cœur de l’Université, par le secteur privé.
Voilà où nous en sommes. Une jeunesse précarisée par des gouvernements successifs, ne trouvant plus la place qui est la sienne dans le processus démocratique, et se retrouvant en plus montrée du doigt pendant la crise sanitaire (les fameux “jeunes qui font la fête le soir”).
Alors, maintenant que faire ? Que dire de tout ça ?
D’abord, qu’il n’y a pas de chemin tout tracé. Nous avons entre les mains notre destin, et la mobilisation pour reprendre la main est possible. La force de la jeunesse, c’est de permettre souvent de sortir massivement du cours de la rivière, et stopper la marche de l’histoire. On peut inverser la vapeur, et remettre sur les rails l’Université et le lycée que l’on veut : émancipateurs, égalitaires et démocratiques. On peut sortir de la spirale, en faisant un pas de côté, ensemble. Et nous saurons être auprès de cette jeunesse qui subit, prend les coups et se retrouve souvent seule dans les rues ces matins brumeux de blocus ou de manifestation.
On se retrouve en septembre, plus déterminés que jamais. L’avenir est à nous.