Génération sacrifiée
N’ayez pas honte. C’est au gouvernement d’avoir honte d’avoir ainsi abandonné une génération entière. D’avoir refusé de mettre la main au portefeuille quand elle n’hésite pas à le faire pour les grandes entreprises multinationales ou pour faire des cadeaux aux plus riches. Honte d’être la 6ème puissance économique mondiale et de laisser ses étudiants avoir faim. Tout simplement faim.
« J’ai honte ». Tête baissée, Stéphanie fait patiemment la queue devant la distribution alimentaire destinée aux étudiants organisée par l’association Co-p1. La file parait interminable. Le gouvernement veut qu’ils fassent la queue devant des banques pour des prêts. Eux sont là pour manger.
Alors hier soir, on a mis des oignons et des patates dans des sacs. Et on a distribué de quoi survivre à des étudiants en galère : des fruits, des légumes, des plats préparés, des masques, des protections périodiques… Tout ce qui est devenu un luxe pour ces étudiants fauchés. Autant de destins bouleversés par la crise qui se pressent en silence (bon heureusement les bénévoles de l’asso essaient de mettre un peu de musique sympa ! 😊).
L’histoire de Stéphanie est similaire à tant d’autres. Le job d’été qui permet de tenir l’année qui s’est envolé. Les heures de baby-sitting perdues. Les galères pour payer un loyer bien trop cher d’une chambre de bonne. Les repas qui sautent. La faim. Noémie essaie d’en rire en disant qu’en ne mangeant ni viande, ni poisson car trop chers elle n’aura jamais été aussi écolo. Mais elle raconte aussi parfois renoncer à de le nourriture pour payer une boite de tampons. Son budget repas pour une journée. Sabrina a elle renoncé à changer ses lunettes. Lola à acheter ses bouquins pour la fac.
Marylie en est à son 2ème prêt étudiant de 15 000€. Noémie à 50 000€. Qui dit mieux ? Les étudiants n’ont pas attendu la brillante idée du gouvernement sur les prêts étudiants pour en contracter pour survivre. Et hypothéquer leur avenir déjà bouché par des perspectives d’emploi réduites. Noémie a d’ailleurs choisi sa voie professionnelle et son master en alternance pour être en capacité de rembourser son prêt. Faute de soutien financier de l’Etat.
A 18 ans un jeune peut donc voter, être poursuivi en justice, payer des impôts. Et il n’aurait pas le droit au RSA ? La France est un des seuls pays dans l’Union européenne à ne pas assurer de minimas sociaux pour les jeunes. Il est temps que ça change : à minima l’ouverture du RSA pour les moins de 25 ans. N’est-ce pas dans les crises que sont nés les systèmes de protection sociale comme la sécu au lendemain de la seconde guerre mondiale ?
Ce n’est pas que de soutien financier qu’ont besoin ces étudiants. Ils sont aussi venus chercher ce soir-là un peu de chaleur humaine. Un échappatoire aux longues journées monotones de cours sur zoom. Sans la moindre interaction sociale. Avec son ordinateur pour seule compagnie. La détresse psychologique se double à la détresse sociale.
Voilà comment une génération est en train d’être sacrifiée.
Alors à Stéphanie et tous les autres étudiants en galère. N’ayez pas honte. C’est au gouvernement d’avoir honte d’avoir ainsi abandonné une génération entière. D’avoir refusé de mettre la main au portefeuille quand elle n’hésite pas à le faire pour les grandes entreprises multinationales ou pour faire des cadeaux aux plus riches. Honte d’être la 6ème puissance économique mondiale et de laisser ses étudiants avoir faim. Tout simplement faim.