L’attaque du Capitole est un avertissement : l’extrême-droite mondiale n’a jamais renoncé à détruire la démocratie
Ce qui s’est passé aux Etats-Unis n’est ni une anecdote exotique ni un fait divers. C’est un coup de semonce de l’extrême-droite mondiale, dont Trump revendique le leadership, et qui annonce qu’elle n’attendra plus d’arriver légalement au pouvoir. Cette menace apparaissait comme de la science-fiction pour ma génération. Elle est aujourd'hui une réalité. Brésil, Inde, Pologne, Hongrie, Turquie, etc. Tant d'autres qui peuvent basculer. Y compris la France. Ne nous pensons pas immunisés. La démocratie n'est jamais un acquis.
L’invasion brutale du Congrès par des centaines de militants pro Trump décidés à en découdre pour interrompre la validation des élections présidentielles américaines est un fait politique majeur dont il ne faut pas sous-estimer la portée. Quelques jours après le choc, on ne peut s’empêcher de repenser encore et encore à ces images. Qui aurait pu imaginer il y a quelques années que les Etats-Unis puissent être le théâtre d’une de ces manœuvres d’intimidation brutale qui forment habituellement le premier acte des processus de coups d'Etat.
Du sang a coulé dans les couloirs du Parlement de la première puissance mondiale. Des agents de sécurité ont dû défendre avec leurs armes des élus assiégés au sein de la chambre des représentants. Des parlementaires ont été contraints de renoncer à poursuivre le processus de validation du résultat des élections présidentielles. Des élus du peuple ont dû être évacués en catastrophe en ayant peur pour leur vie pendant que le Président en exercice refusait de lever le petit doigt pour les protéger.
Trump a finalement fait un pas de côté, après avoir fait durer le plaisir pour savourer le succès de son opération. Mais le doute s’est installé, pendant quelques heures, où le monde entier n’a plus exclu la possibilité d’une escalade pouvant se transformer en tentative de putsch. Trump a cédé en apparence mais obtenu ce qu’il souhaitait provoquer en appelant ses supporters les plus radicaux à saccager le cœur de la démocratie américaine. Des images et un chaos organisé qui envoient un message : votre démocratie ne tient qu’à un fil.
Passé l’état de sidération, il faut tirer les leçons politiques de cette onde de choc dont la résonance est mondiale. Trump a tâté le terrain pour évaluer la résistance de la démocratie américaine et donner un signal au reste de la Planète. Et nous n’avons pas tergiversé en affirmant immédiatement notre soutien aux parlementaires pris en otage. Car l’Histoire nous a appris l’importance du timing dans ces moments de flottement où chaque geste, chaque réaction et chaque mot comptent. On ne louvoie pas face au risque de voir des suprémacistes blancs chercher à mettre à sac un régime républicain.
L’extrême-droite française n’a pas eu cette clarté. Loin de là. Le Pen a finalement été forcée de condamner, mollement, l’opération des pro-Trump. Mais elle a délibérément attendu le lendemain avant de réagir. Le message passé à ses ultras est limpide : on ne lâche pas Trump, même si on se désolidarisera vaguement par la suite devant les médias. Cette connivence n’est pas une surprise : c’est un rappel et un avertissement. L’extrême-droite, quels que soient ses visages, ses ruses, ses sourires ou ses masques n’a jamais abandonné son projet de mettre à sac la démocratie.
La République en Marche a confirmé dans cette séquence qu’elle n’était pas un rempart face à l'extrême-droite. Les néolibéraux autoritaires ont bien évidemment condamné l’attitude de Trump. Mais ils en ont surtout profité pour faire un parallèle avec les oppositions sociales françaises, assimilées aux apprentis putschistes américains. Passées quelques larmes de crocodiles, la majorité a dégainé : contre les gilets jaunes, contre la France Insoumise, contre Jean-Luc Mélenchon. Tout autant que contre le Rassemblement national. La méthode est abjecte mais elle est aussi révélatrice : le Macronisme ne voit l’extrême-droite que comme un épouvantail utile pour se maintenir au pouvoir.
L’action de la majorité depuis l’arrivée au pouvoir de Macron le prouve. La remise en cause des libertés fondamentales est sans précédent. Les entorses au fonctionnement normal d'une démocratie parlementaire sont inédites. Loi casseurs, loi sécurité globale, loi séparatismes, Conseil de défense, mépris du parlement, états d’urgence terroriste permanent, impunité des violences et du racisme dans la police : en distillant insidieusement mais continuellement le poison de sa dérive autoritaire, LREM a légitimé, normalisé, dédramatisé le programme politique de son adversaire de confort. Et préparé le terrain de son accès au pouvoir.
Ce qui s’est passé aux Etats-Unis n’est ni une anecdote exotique ni un fait divers. C’est un coup de semonce de l’extrême-droite mondiale, dont Trump revendique le leadership, et qui annonce qu’elle n’attendra plus d’arriver légalement au pouvoir. Cette menace apparaissait comme de la science-fiction pour ma génération. Elle est aujourd'hui une réalité. Brésil, Inde, Pologne, Hongrie, Turquie, etc. Tant d'autres qui peuvent basculer. Y compris la France. Ne nous pensons pas immunisés. La démocratie n'est jamais un acquis.